Le
Matin de Zalingeï.
Des
fragrances poivrées tournoient en lisière de la cité
Ondulant
vers un territoire où ne subsiste aucun soupçon
Des
tribus mercenaires séjournent dans le jardin du gouverneur
De
vieux bidons d’essence rouillent sous une véranda
Bonjour
étrange aurore
Les
proscrits déambulent sur la piste vers la capitale
Aucune
logique, aucune clémence, pas d’entracte, pas de rémission.
L’espace
est fébrile ce matin
Mais
nul fugitif ne se posera la question
Je
suis accroupi là sur le seuil de la maison
Tenant
la main du vieil homme
Il
murmure les versets de son enfance voilée
Le
démineur hoche la tête et enfile sa chemise
Attendant
le signal quand le fracas sera la seule issue
Et
le pogrom, l'hideuse débauche d'un improbable épilogue
Dans
une ville en tôle et en rouille au seuil d'un monde impensable
Avoir
pour un temps la conviction d’une vérité suprême
Avoir
encore vingt ans ou trente ans et des mots pleins la bouche
Marcher
dans une plaine de terres fécondes
Et
se fondre dans l’humanité radieuse
L’espace
est fébrile ce matin
Les
fugitifs ont cessé leur voyage
Je
suis accroupi là sur le seuil de la maison
Caressant
la joue du vieil homme
Le
patriarche chuchote alors :
«
Compagnon, quoi que tu fasses il y a ici une mission à remplir
Quoi
que tu fasses un homme quelque part se lève et se met à marcher
Plus
fort que l’accomplissement, il y a l’espoir d’arriver au bout.
Tiens-moi
la main, Compagnon, parce que je m’en vais
Je
continue ma route vers d’autres perspectives
Là
où un homme se lève, un peu d’espoir se soulève
Comme
la poussière rouge de la piste
Là
où un homme tombe, le chemin s’est prolongé
Pas
à pas, kilomètre après kilomètre
Déjà
au loin, la poussière d’espoir se remet à voler
Tiens-moi
la main, Frère et tu verras cela.
La
lumière décline vers l’ouest assoupi
Aucun
proscrit ne traverse sans laisser son empreinte
Je
suis accroupi là sur le seuil de la maison
Veillant
sur le vieil homme…